Damso : retour sur son oeuvre
A l'occasion de la sortie à venir de QALF, 5ème projet du rappeur belge, revenons sur sa fulgurante carrière.

Damso, de son vrai nom William, est l'une des principale tête d'affiche du rap francophone de ces dernières années. Grandement suivi, notamment depuis ses collaborations avec Booba en 2016, Damso a pourtant connu une période plus solitaire avant ce succès.
Itinéraire d'un succès
Tous les amateurs de rap français pourront citer les trois principaux projets de Damso, mais peu sont ceux qui connaissent sa toute première mixtape solo, nommée « Salle d'attente » (2014). Ce projet, sorti à une époque où Damso est encore inconnu du grand public, est simplement mis en ligne sur soundcloud. Cette Salle d'attente peut être considérée comme un préambule à Batterie faible, car on y retrouve des lignes tout aussi percutantes. Début de carrière prometteur donc.
Suite à cela Damso apparait, toujours en 2014, sur 3013 une mixtape avec son groupe OPG, projet sur lequel figure également son ami de longue date Dolfa.
Ensuite, les choses se précipitent. En 2015, Damso est invité sur un morceau de la « OKLM mixtape », ce qui lui confère une nouvelle exposition. La véritable mise en lumière du belge aura lieu quelques semaines plus tard, à la sortie du très attendu « Nero Nemesis » de Booba, dans lequel Damso est invité à partager un morceau avec Booba et Gato. Ce featuring permet à Damso de dévoiler un couplet marquant au large public du Duc.
Profitant de ce coup de projecteur, le protégé de Booba sortira en 2016 son premier album studio Batterie faible. Ce projet se révèle être un énorme succès pour le rappeur autant sur le plan critique qu'au niveau des chiffres. En effet, l'album est porté par l'un des plus gros hit de la carrière de Damso, Amnésie, mais également Bruxelles Vie qui peut être considéré à bien des égards comme le titre signature du rappeur.
Loin d'avoir été aseptisé par un début de succès, le bruxellois utilise dans ce projet des termes durs, voir violents à l'image des sujets qui sont évoqués au fil du projet. L'illustration parfaite du style de Damso dans cet album est Amnésie, morceau dans lequel l'artiste évoque une aventure amoureuse qui se termine mal (et c'est un euphémisme). Sans détours, le rappeur peint la toile de sa vie sans s'épargner ni épargner de détails mais de façon presque romancée, ce qui donne une saveur inédite au son. Ce constat s'étend au reste de l'album et c'est ce style qui fait la plus grande singularité de Damso, surtout à une époque où le rap est encore perçu comme une sous culture par la majorité.
Apogée
Puis c'est l'année dernière, en 2018, que Damso a sortie son 3ème album solo Lithopédion. Projet particulièrement attendu par tout le public rap après le succès d'Ipséité. Dès sa sortie, Lithopédion reçoit un accueil critique assez mitigé et le disque divise le public. Ces réserves n'empêchent pas à l'album de connaitre un succès commercial plutôt inattendu, en raison de l'absence totale de hits évidents. Si certains voient ce choix artistique comme un suicide commercial, il fait écho à ce que l'artiste déclarait déjà dans sa mixtape Salle d'attente : « Je préfère être écouté plusieurs fois par un seul qu'une fois par plusieurs ». Autre choix surprenant, le seul guest du projet est la chanteuse Angèle, soeur de Roméo Elvis, sur le titre Silence.
Analyse
Pour analyser correctement l'oeuvre de Damso, il faut selon moi exclure Salle d'attente qui ne fait pas partie du schéma de construction de sa discographie. Reste donc une trilogie allant de Batterie faible à Lithopédion.
Tout d'abord prenons chaque projet de manière individuelle et voyons comment ils sont construits lyricalement.
Partons du principe que Damso est la première « âme » et William (prénom de Damso) la seconde.
Dans un premier temps Batterie faible : paroles crues et poignantes ça nous prend aux tripes et on se rend conte bien vite que l'artiste n'a pas une vie super rose, ici la première âme est quasi omniprésente.
En second temps, Ipséité : Damso est moins cru « (à quelque exception près) et se pose beaucoup plus de question sur lui-même, sa popularité et sur l'être humain en général. Ici les deux âmes sont présentes de façon à avoir le même temps de « possession ».
Et enfin Lithopédion : Oeuvre très personnelle, Damso qui se livre à son public sur bien des sujets, mais surtout sur celui de sa propre différence que l'on retrouve déjà dans « Ipséité » et se livre bien plus sur lui-même, ici la deuxième âme est omni présente.
Maintenant qu'on a résumé tous ces éléments, on va pouvoir établir un lien entre tout ça.
Rappelez vous, à la fin d'Une âme pour deux, le docteur Léonard Da Vinci God évoque le transfert d'âme. Et si ce transfert avait commencé depuis Batterie faible ? Dans cet album, la plupart des titres sont un florilège de saletés en tout genre et d'égotrip. Puis, par petites touches, on a droit à quelques titres où l'artiste nous offre un tout autre registre lyrical en se livrant a son public en lui racontant ses histoires les plus bouleversantes. On retrouve cette dualité tout au long de l'album, entre deux punchs bien sombres, Damso glisse une réflexion plus douce sur ses pensés et ses ressentis, sur sa nature et celle de l'Homme ainsi que ce qui fait sa singularité en temps qu'être humain.
Avec Ipséité cette notion de différences revient directement avec le titre du projet, Ipséité voulant dire « orignal », « diffèrent », mais retournons à notre duel d'âmes. Dans Ipséité ce « duel » s'accentue. Si on écoute bien, on a une sorte de passe-passe entre « Damso » (première âme) et « William » (deuxième âme). Ce combat prend fin avec Une âme pour deux et se solde par une victoire de William. Alors oui c'est bien William qui prend l'ascendant, sans toutefois que Damso ne disparaisse totalement. Et cela se traduit dans son troisième album.
Dans Lithopédion seul « William » est en possession du corps, c'est pourquoi on retrouve énormément de questionnements sur son humanité, sa différences et bien d'autres questions que se pose l'artiste. La dernière piste de l'album, sobrement intitulée William est un morceau particulièrement bouleversant, notamment parce qu'il y évoque une éventuelle fin de carrière (ce qui ne fut pas le cas). Ce titre est selon moi celui qui marque réellement la fin du duel que se sont livrés « Damso » et « William » durant 3 années consécutives.
Au final tous ces éléments n'apportent pas de réponse sur le contenu de la mixtape à venir. Pire encore, les questions se multiplient : dans quel style Damso s'exercera-t-il ? Cette mixtape sera-t-elle la nouvelle « Salle d'attente » d'une nouvelle trilogie à venir ?
Rendez vous à la date de sortie du projet, toujours inconnue actuellement (sah quel non plaisir) pour répondre à ces interrogations.